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La loi Macron : le libéralisme appliqué à l’éducation routière

La loi Macron : le libéralisme appliqué à l’éducation routière

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Posté le 13/08/2015

Dans la continuité des vils procédés utilisés jusqu’ici pour imposer sa loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », le Gouvernement a choisi la période estivale pour publier au journal officiel son texte fourre-tout.

Même si l’hétérogénéité des thèmes qu’elle aborde fait penser à un travail peu structuré, un fil conducteur donne néanmoins une cohérence indéniable à l’ensemble : l’ultra-libéralisme.

Après un triple recours au 49-3, la loi n°2015-990 du 06 août 2015 (lien) est sortie quasiment indemne du contrôle de constitutionnalité.

Sur la partie qui regarde plus spécifiquement notre secteur d’activité, une extrême vigilance s’imposera lors de la publication des décrets d’application, car certains articles ouvrent une brèche dangereuse pour l’avenir de nos corps. 

1)    Les 45 jours dans la loi : danger pour le service public !

Nous rappellerons le caractère totalement arbitraire de cet objectif chiffré. Les autres pays d’Europe utilisent en effet une méthode statistique différente, quand toutefois ils entament une telle démarche mathématique. Partant de ce constat, nous ne voyons toujours pas comment parler sérieusement de moyenne européenne de 45 jours !

Et pourtant, le législateur a désormais introduit dans la loi cet objectif, malgré nos multiples alertes sur le risque contentieux induit par une telle disposition. L’article 28 précise que « dans l'ensemble des départements où le délai moyen entre deux présentations (…)est supérieur à quarante-cinq jours, l'autorité administrative recourt à des agents publics ou contractuels comme examinateurs autorisés à faire passer des épreuves de conduite en nombre suffisant pour garantir que le délai n'excède pas cette durée ». Si l’Administration n’est pas en capacité d’atteindre cet objectif de 45 jours, tout usager aura la possibilité de porter réclamation et de demander réparation pour le préjudice subi au regard de la loi.

Bien entendu, cette faille énorme introduite dans le texte n’est certainement pas le fruit du hasard, car si nous voyons parfois nos interlocuteurs comme des êtres retors et manipulateurs, nous nous refusons de penser qu’ils font preuve d’une telle inconscience !

Le propos est d’autant plus aberrant que l’Etat n’a pas la main sur la présentation des candidats. Seules les auto-écoles décident  ou non de présenter tel ou tel élève à l’examen. La loi Macron érige donc comme critère de performance du service public un paramètre sur lequel ce dernier n’a pas d’emprise! Nous entendons donc d’ici les conclusions tirées par les tenants du libéralisme à tout crin, dès lors que le seuil des 45 jours ne serait pas atteint : « Le service public n’est pas efficient ! Il faut privatiser ! ».

C’est une stratégie hélas classique en Europe de démontrer l’inefficacité supposée ou délibérément organisée des services publics pour mieux le livrer au secteur marchand. En son article 26, la loi prévoit d’ailleurs un « suivi des statistiques des conditions d’accès au permis de conduire sur l’ensemble du territoire national ». Vous pouvez compter sur les représentants locaux du SNICA-FO pour démontrer que notre service public donne satisfaction, abstraction faite de cet indicateur pernicieux !

2)    « Service universel » versus « service public »

Le même article 28 précise que « l’accès aux permis théoriques et pratiques du permis de conduire est un service universel ». Comme nous l’avons expliqué sur notre site et lors des réunions syndicales, cette notion anglo-saxonne, reprise par la commission européenne,  est clairement d’inspiration néolibérale. Nous l’avions dénoncé avec force auprès de l’ensemble des personnes rencontrées comme le signe annonciateur d’une privatisation radicale. Dans les faits, il s’agit d’imposer aux producteurs la fourniture de services de base visant à assurer l’accès à une consommation minimale à tous les citoyens, et cela à un prix « acceptable ». Rien ne dit que le service universel doit être fourni par un service public. Au contraire, cette réglementation européenne a pour objectif d’introduire de la concurrence dans un même secteur d’activité. Pour le SNICA-FO, introduire un tel concept au sein de la loi acte sans ambiguïté la volonté du Gouvernement de marchandiser à terme l’examen du permis de conduire dans son intégralité.

Nous noterons d’ailleurs que l’accès aux examens théoriques, gérés  par des entités privées agréées dès 2016 selon les projets de la DSCR, devient un service universel au même titre que l’accès aux examens pratiques, encore assurés par le service public. La frontière entre les sphères privée et publique est ainsi de plus en plus fragile, a fortiori dans un contexte où des salariés régis par le droit privé et issus de la société anonyme La Poste commencent à s’immiscer dans les épreuves de la catégorie B. Il est constant que cette intrusion partielle du privé apparaît presque toujours dans le mécanisme qui conduit à l’externalisation totale des services publics. La privatisation par « appartement », c’est-à-dire pan par pan, constitue dans les faits une manœuvre pour rendre la décision socialement acceptable, et moins inquiétante pour les personnels concernés.

3)    Faut-il s’inquiéter pour le devenir des examens du groupe lourd ?

Compte tenu du constat précédent, les IPCSR et DPCSR ont tout lieu de redouter un projet visant à la disparition de la totalité des épreuves du groupe lourd de leur champ d’attribution. C’est précisément pour cette raison que le SNICA-FO n’a, à aucun moment, minimisé les risques d’une suppression, même très parcellaire, des examens jusqu’ici confiés aux personnels de l’éducation routière.

Sont visées à l’article 28 :

« 1° Toute épreuve théorique du permis de conduire ;

« 2° Toute épreuve pratique des diplômes et titres professionnels du permis de conduire d'une catégorie de véhicule du groupe lourd. »

L’écriture de l’article est donc identique à la version que nous dénoncions ces derniers mois. Sans conteste, au-delà de l’externalisation déjà amorcée de l’ETG, cette rédaction ouvre juridiquement la possibilité de confier la totalité des examens poids-lourds à des tiers. Le cumul du « permis sec » et de la FIMO constitue de fait un « diplôme professionnel ». Si les seuls diplômes professionnels gérés par l’éducation nationale sont actuellement dans les projets du ministère de l’intérieur, c’est uniquement grâce à la pression exercée par le SNICA-FO !

Nous devrons donc collectivement redoubler de vigilance dans un contexte où les gouvernements libéraux successifs rêvent de voir le champ d’action des services publics se réduire comme une peau de chagrin.

4)    L’auto-école traditionnelle en péril

Les dispositions arrêtées sur l’enseignement de la conduite font finalement écho aux propos tenus par le Délégué interministériel à la sécurité routière lors de l’audience accordée au SNICA-FO le 12 juin dernier. Selon le haut fonctionnaire,  la « révolution du numérique » remet indubitablement en cause le schéma de fonctionnement des EECSR traditionnels. Lors des derniers débats en commission spéciale à l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron est même allé plus loin en citant les Etats-unis, pays où il est possible d’« économiser » un passage en auto-école. Sans citer ce « modèle » en exemple, avouons que cette référence, non innocente,  laisse présager quelques jours difficiles pour le milieu de l’enseignement de la conduite tel que nous le connaissons.

Pour mémoire, le SNICA-FO avait alerté de ces dangers potentiels dès l’été 2014 en adressant aux exploitants d’auto-écoles un courrier. Cette initiative avait alors été fortement critiquée par quelques organisations professionnelles peu clairvoyantes, ou persuadées de parvenir à tirer la couverture à elles. Ceux qui ont crié au loup sur les délais d’attente peinent à comprendre que le sort des auto-écoles est pourtant indissociablement lié à l’existence de l’examen tel que nous le connaissons !

L’article 24 de la loi dispose ainsi que le contrat « peut être conclu dans un établissement ou à distance ». Il est en outre complété par la phrase suivante : « ce contrat est conclu après une évaluation préalable du candidat dans le véhicule ou dans les locaux de l’établissement ». Ainsi, les décrets d’application pourraient ouvrir la voie aux « auto-écoles en ligne ».

Sur le chapitre de la méthode d’attribution des places d’examen, une nouvelle adaptation qui vise à faciliter la présentation de « candidats libres » va dans le sens du développement de ces auto-écoles numérique. L’article 30 de la loi précise en effet que « les places sont attribuées aux établissements d'enseignement de la conduite et de la sécurité routière en fonction notamment du nombre d'enseignants à la conduite dont ils disposent, et de manière à garantir l'accès des candidats libres à une place d'examen ».

5)    Une plus-value pour l’usager ?

Certes, la loi Macron préconise les conduites accompagnées. Les établissements d'enseignement de la conduite et de la sécurité routière seront désormais tenus de proposer « à chaque élève, lors de son inscription, un des modes d'apprentissage de conduite accompagnée définis aux articles L. 211-3 et L. 211-4 »

Si le SNICA-FO cautionne le développement des conduites accompagnées et préconise la systématicité de la conduite supervisée, se pose inévitablement la question de connaître les moyens de coercition à l’encontre des auto-écoles qui ne joueraient pas le jeu. Quels intérêts pécuniaires aurait en effet une entreprise privée à recommander la conduite supervisée, par définition économiquement profitable à l’usager, mais par conséquent peu rentable pour l’auto-école ? Une telle disposition pose encore et toujours la question du contrôle par la puissance étatique et de son intervention pour lutter contre les déviances inéluctables lorsque le service public recule.

Si le texte tente d’aborder une certaine « moralisation » du secteur de l’enseignement de la conduite, ou du moins une garantie de performance minimale pour le client, ce sont en des termes qui ne conviennent absolument pas au SNICA-FO !

L’article 28 précise que « les établissements et associations agréés au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 s'engagent dans des démarches d'amélioration de la qualité des prestations de formation qu'ils délivrent ».  Et de poursuivre : « la labellisation ou la certification par un organisme accrédité peuvent faire accéder ces établissements à des droits ou des dispositifs particuliers ». La labellisation et la certification, par ailleurs gérées par des organismes privés, s’inscrivent dans une démarche purement volontaire de l’entreprise. Celles qui acceptent de s’assujettir à un tel dispositif sont de fait rarement les moins consciencieuses.

En tout état de cause, certification et labellisation ne sauraient remplacer les contrôles prévus par le code de la route. Tout en luttant contre la perte des examens, il est indispensable de récupérer très rapidement nos missions de contrôle, notamment dans ce contexte de libéralisation accru de l’enseignement de la conduite. Les réunions qui débuteront en septembre mettront le sujet sur le devant de la scène. Il est évident que des perspectives concrètes devront émaner rapidement de la concertation. Dans le cas contraire, il nous appartiendra collectivement de prendre notre avenir en main.

En guise de conclusion : dans un avenir proche…

Avec la loi Macron, nous assistons une fois de plus au dépérissement du service public en faveur du marché. Les méthodes sont brutales, négatrices des vertus du dialogue social et au-delà, des principes démocratiques les plus élémentaires. Les recours multiples à l’article 49-3 de la Constitution en attestent. C’est d’ailleurs en procédant ainsi que l’on accentue le désintérêt dangereux pour la chose politique. Les citoyens se retrouvent confrontés à un système où ils sont de moins en moins consultés et où on leur dit que « nous n’avons pas le choix ».

Un sursaut collectif, qui devra passer par une prise de conscience aiguë de la situation actuelle, devra advenir si nous ne voulons pas perdre davantage nos acquis. Il est d’autant plus impérieux quand les traités de libre échange, comme le TiSA*, préconisent la privatisation massive des services publics et interdisent  toute renationalisation.

Dans ce contexte, tout en luttant contre la fuite des examens, nous devons investir rapidement tout le champ des possibles en matière de contrôle du système. Car nous pouvons être assurés que les compagnies privées, uniquement motivées par le profit, se tiennent déjà en embuscade pour vampiriser ces missions.

Rendez-vous à la rentrée pour les premiers comptes rendus des réunions dédiées et obtenues sous la pression du seul SNICA-FO !

 

* Lien vers les articles sur le TISA

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